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« Auto-évaluation » des établissements scolaires nouvelle arme de dérégulation


Le Conseil d’évaluation de l’École (CEE) -successeur du trop indépendant CNESCO- avait décidé en 2020 d’expérimenter dans quelques établissements une « évaluation » des établissements publics du 2nd degré, mais la gestion du Covid a empêché sa mise en œuvre. Le dispositif a pourtant été généralisé dès 2021 et chaque année, 20% des collèges-LP-LGT seront évalués... puis réévalués tous les cinq ans.


L’auto-évaluation de l’établissement

Un « comité de pilotage » (souvent la direction) recueille les réflexions des personnels, des élèves et de leurs parents autour de quatre axes prédéfinis :

• apprentissages et parcours des élèves, l’enseignement ;

• vie et bien-être de l’élève, climat scolaire ;

• acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’établissement ;

• établissement dans son environnement institutionnel et partenarial.

Pour chaque axe, l’établissement doit analyser les points forts-points faibles et se fixer des objectifs à développer, et les « présent[er] pour information au conseil d’administration ».


L’évaluation externe

Une équipe « d’évaluateurs » prend connaissance

du rapport d’auto-évaluation, visite l’établissement sur 2 ou 3 jours puis rédige un rapport d’une dizaine de pages de constats et de recommandations. Son but est d’interroger « l’efficacité » des choix opérés par l’établissement dans l’utilisation de sa marge d’autonomie « à l’aune des résultats produits ». On cherche donc un indicateur de performance... selon les critères de l’institution.

(voir infra)


La fine équipe des « évaluateurs »

Composée par le·la recteur·trice de 3 ou 4 membres «sans relations présentes ou passées avec l’établissement » : au moins 2 personnels du corps d’inspection, 1 de direction (Perdir) et/ou cadres administratifs... et éventuellement un·e enseignant·e.

Ce double rapport pourra tenir lieu de projet d’établissement, s’il est voté en CA et renouvelé tous les cinq ans. Il servira alors de base aux contrats d’objectifs signés avec le rectorat et deviendra contraignant.


Ces évaluations sont, comme les Contrats Locaux d’Accompagnement (CLA) et les PLE, des outils de dérégulation réduisant les cadres collectifs puisque chaque établissement aurait ses objectifs propres, un caractère potentiellement « unique » lié à son milieu, ses équipes, son projet...


S’il est voté et intégré au projet d’établissement, il nous astreint aux objectifs fixés sans questionner les moyens.


Pour l’heure, sur le plan règlementaire, rien n’est prévu pour imposer la participation des collègues à de tels processus. Il n’existe pas plus de cadre légal pour les modalités et le calendrier...



Depuis un quart de siècle, la « nouvelle gestion publique » insiste sur l’obligation de résultats et une gestion fondée sur des instruments statistiques de mesure de « l’efficacité des politiques publiques ».

Dans le domaine éducatif, elle s’appuie sur les travaux de l’OCDE (enquêtes PISA sur les élèves et TALIS sur les enseignant·es) qui servent de base pour formuler des recommandations aux États.

La plupart des politiques éducatives à l’échelle internationale penchent donc dans la même direction :


- autonomisation de la gestion des établissements scolaires ;

- multiplication des évaluations externes des écoles et des systèmes d’éducation ;

- évaluation des enseignant·es et indexation de leurs salaires selon leur rendement*.


*Levasseur Louis (dir.), Les politiques de restructuration des professions de l'éducation : une mise en perspective internationale et comparée, Québec, Presses de l'Université Laval, 2020


Dans ce contexte, les PLE, CLA et autres auto-évaluations apparaissent pour ce qu’ils sont : des instruments de concurrence entre établissements et de pression sur les équipes sous couvert de s’appuyer sur le terrain pour construire des bonnes pratiques.

Le document de cadrage de l’auto-évaluation insiste en effet lourdement sur les modalités renforçant l’implication des personnels dans la réalisation des objectifs fixés. Un critère potentiel d'évaluation "au mérite" par le biais indemnitaire comme c'est le cas pour la part modulable de la prime REP+ ?

L’auto-évaluation « est conduite dans le cadre des moyens octroyés à l’établissement ». L’idée est de dégager des « bonnes pratiques » dans l’utilisation des marges d’autonomie sous l’œil de Moscou des évaluateurs, situation culpabilisante pour les un·es et les autres au lieu de questionner la politique d’austérité.

Comme pour les hôpitaux et les universités depuis les années 2000, on « responsabilise » et on autonomise désormais les EPLE pour leur laisser gérer la misère des dotations budgétaires. L’injonction est partout la même : faites mieux avec moins ! Et si vous échouez, c’est de votre faute, car vous êtes mal organisé·es en interne ! Si les établissements ont certes des spécificités, l’hypothétique autonomie pédagogique des équipes ne peut servir l’idéal de démocratisation scolaire tant que les moyens humains sont insuffisants.



Quel lien entre Projets Locaux d’Evaluation (PLE) et auto-évaluation ?

En LGT, l’auto-évaluation des établissements arrive dans la foulée des PLE. Ces deux injonctions ministérielles obéissent aux mêmes logiques managériales. Le PLE vise à « harmoniser » les pratiques d’évaluation, censément pour garantir l’équité entre les élèves au sein des établissements et entre établissements. Un soi-disant caractère national du Bac malgré le contrôle continu... et Parcoursup. Même si pour l’heure, les PLE sont vides, leur contenu pourrait évoluer sous l’influence de l’évaluation des établissements.



Quel lien avec les Contrats Locaux d’Accompagnements (CLA) ?

Les CLA, censés être des dispositifs « plus précis » face à la diversité des problèmes de l’ex-Éducation Prioritaire, relève de la même logique : on identifie des indicateurs très étroits (décrochage, pauvreté etc.) pour donner des moyens au compte-gouttes.

Dans un même temps, on demande aux collègues d’établir des projets non pas pour l’établissement mais pour des groupes d’élèves afin d’obtenir des moyens spécifiques... Le tout dans une logique de contractualisation analogue à celle avancée par le dispositif d’évaluation.







Des risques concrets

• Une allocation de moyens (DHG) selon des résultats. Si est elle basée non seulement sur des critères objectifs communs (nombre et profil des élèves, types de formations proposées, situation sociale du public, etc.), elle pourrait l’être aussi sur la capacité des établissements à remplir les objectifs fixés, de « projets », de « partenariats »avec des « association-entreprises » afin de diversifier l’offre dans le cadre de la concurrence.

• Des possibles contraintes supplémentaires : progressions communes, devoirs communs imposés, méthodes pédagogiques particulières etc.

• Le renforcement du conseil pédagogique au détriment du conseil d’administration.


L’évaluation externe

1. Suite à la phase d’auto-évaluation, les évaluateurs externes viennent visiter l’établissement (en général sur 3 jours). Ils visitent les locaux et mènent des entretiens individuels et/ou collectifs avec les personnels. Pas d’information précise sur le casting des interrogé·es.

2. Dans les 30 jours suivant la visite, les évaluateurs produisent un pré-rapport qui pourra faire l’objet d’un échange contradictoire aves les personnels et une restitution en conseil d’administration « éventuellement élargi », sic !

3. Un rapport final de synthèse est réalisé après concertation académique et transmis au conseil d’administration de l’établissement.

4. Après dernier avis de l’établissement dans les 15 jours (mais sans vote) , il devient définitif et transmis au rectorat.

5. Vraisemblablement, il intègre alors le projet d’établissement.

Un exemple de mise en œuvre dans un LP de Charente :

L’évaluation y est présentée comme l’occasion de faire remonter ce qui fonctionne ou non... et de refaire le projet d’établissement - dixit la direction.


Auto-évaluation : D’abord obligatoire (avec convocation), les réunions de préparation se sont finalement tenues sur volontariat après refus massif des personnels...

4 enseignant·es ont participé aux concertations (sur une quarantaine).

Peu de retour des élèves (56/297) et des familles (54/297).

Les suites : la direction affirme qu’elle ira « jusqu’au bout ». Les demandes de retours du groupe de travail par les élu·es CGT au CA sont restées sans réponse...

Bilan : Un beau moment de démocratie scolaire... Les personnels attendent la phase d’évaluation externe


Document APAE

un outil pour les militant·es :

Dans chaque établissement, il existe un document d’Aide au Pilotage et à l’Auto-Évaluation des Établissements (APAE) compilant données sociales (PCS des élèves, % boursier·ères etc.) et scolaires (résultats élèves, choix d’options, filières ou spécialités...) de l’établissement rapportées aux moyennes académiques et nationales. Destiné aux chef·fes d’établissements, ce document est aussi une mine d’informations pour les militant·es.

Demandez-le à la direction de votre établissement...







La réponse ne peut être que collective

Nous appelons les personnels à s’organiser collectivement pour refuser de participer aux évaluations de leur établissement :

• Opposition lors du passage en conseil d’administration ;

• Refus de remplir les questionnaires.


Le risque demeure qu’en cas de refus, même massif mais incomplet, les directions des établissements s’appuient sur les quelques réponses qui leur seront remontées. Il faudra bien-sûr dénoncer ces résultats comme non représentatifs, notamment lors des conseils d’administration (l’exprimer et le préciser en PV de séance, proposer des motions, voire des vœux au CA si les élu·es parents et élèves sont sur la même position...)


Lorsque le rapport de force ne permet pas un refus assez massif, nous incitons les personnels à investir les réunions et éventuels temps banalisés pour convaincre les collègues du risque de ce dispositif.


Nous n’avons pas encore de recul sur la manière dont l’évaluation externe se déroulera concrètement. Il faudra veiller à cette occasion à ce que les personnels, en particulier celles et ceux ayant affiché leur opposition au dispositif d’évaluation, ne soient pas isolés et exposés à des mesures de rétorsion par l’institution.





Un temps de concertation pour les personnels, inclus dans le temps de service, permettant un fonctionnement collectif.


• Un plan d’urgence pour l’Éducation permettant de mener une politique scolaire ambitieuse assurant la réussite de toutes et tous, reposant notamment sur des effectifs réduits (20 élèves par classe en collège, 24 en LGT, 20 en Bac Pro et 12 en CAP).

• Un cadrage national au lieu d’une politique d’autonomie des établissements reposant sur la concurrence et la contractualisation des moyens.

• Une politique d’Éducation Prioritaire de la maternelle au lycée garante d’une véritable démocratisation scolaire.

• Une réduction de la taille des établissements et leur transformation en véritables lieux de vie pour les personnels et les élèves.


Le nombre important de documents adressés aux équipes éducatives et

l’insistance de notre administration à nous imposer ces projets pourraient nous faire croire que ces auto-évaluations sont obligatoires.

Mais en réalité, il n’en est rien. Pour l’heure, aucune disposition réglementaire n’est prévue pour imposer la participation des collègues à de tels processus. Il n’existe pas plus de cadre légal pour les modalités et le calendrier..







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