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Loi Rilhac. « L’autorité fonctionnelle » : une hiérarchie qui ne dit pas son nom



Mercredi 29 septembre, l’Assemblée nationale a adopté, en seconde lecture, la proposition de loi Rilhac, créant la « fonction de directrice ou directeur d’école », conférant une autorité fonctionnelle aux directeurs-trices d’école.


Le Sénat examinera le texte le 20 octobre. Une phrase avait été ajoutée par les député·es en juin 2020 : « Il n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école ». Cette phrase a été remplacée en mars 2021 par les sénateurs·trices par « Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige et la réalisation des missions qui lui sont confiées. ». Cette formulation n’a pas été modifiée par les député·es, ce qui confirme « l’autorité fonctionnelle» d’une part et « la délégation de compétence de l’autorité académique» de l’autre.


Alors que le ministre tient de longue date à modifier en profondeur l’organisation des écoles en installant une hiérarchie dans l’école, « l'autorité » confiée aux directeur·trices lui ouvre tout le champ des possibles car il y a peu de chances que le Sénat retouche au texte. Voté en l’état le 20 octobre, cela accélérerait les choses et faciliterait une mise en place à la rentrée 2022.


Or, comme ils et elles l’ont exprimé, ni les directrices·teurs, ni les autres professeur·es des écoles ne souhaitent d’autorité ou de hiérarchie supplémentaire mais veulent plus de collectif et de solidarité : c’est bien un modèle démocratique, celui des conseils des maîtres·ses, qui est menacé.


La crise sanitaire que nous vivons met en évidence la surcharge de travail et génère stress et souffrance pour les directrices et directeurs. Nous exigeons donc que notre institution cesse de leur transférer de plus en plus de responsabilités.


Nous avons su informer et mobiliser les collègues contre d’autres projets délétères qui ont été abandonnés, c’est pourquoi les organisations syndicales s’unissent pour exiger l’abandon de cette loi, tout comme elles exigent celui de l’expérimentation lancée à Marseille.



Quelques maigres « avancées » sont actées :

 la décharge d’APC pour tous·tes les directeurs·trices,

 la co-responsabilité de la mairie et de l’autorité académique concernant le PPMS persistent.

 les chargé·es d’école sont enfin reconnu·es comme des directeurs·trices.

Elles sont bien loin de faire le compte pour les personnels.

Par ailleurs, la « participation à l’encadrement du système éducatif » et la « formation certifiante » pour les directeurs·trices ont disparu à l’Assemblée Nationale.


Loin de renforcer l’école publique sur tout le territoire pour offrir aux élèves la même éducation émancipatrice, résultat de la mise en oeuvre d’un véritable collectif de travail, le texte permet au ministre de redéfinir à sa guise l’école primaire, peut-être à l’image des expérimentations marseillaises. Un système de mise en concurrence des écoles pour obtenir plus de moyens, mais aussi des enseignant·es, pour obtenir une réduction d’APC ou une attribution d’IMP, un conseil d’école aux prérogatives renforcées… C’est l’école qui est en jeu aujourd'hui, dans son identité et sa structure, dans ce qu’elle a de plus fondamental : le métier d’enseignant·e, tout comme la fonction de direction, ne peuvent pas se pratiquer de façon solitaire et sous pression.


C’est aussi cette remise en cause de la spécificité de l’école qui avait mobilisé la communauté éducative au printemps 2019 contre le projet de loi pour « une école de la confiance ».


Ce qui est prioritaire aujourd’hui pour le ministre, ce n’est pas l’amélioration des conditions de travail des directrices et directeurs. C’est bien la volonté de finaliser une modification profonde de ce que représente l’école primaire aujourd’hui en instaurant une chaine hiérarchique permettant de valider une gestion par le pilotage et les évaluations.


Sans attendre le vote de cette proposition de loi, suite au Grenelle, le ministère a présenté début juillet ses propositions pour la direction et le fonctionnement d’école. N’en déplaise aux plus optimistes, la traduction de l’autorité fonctionnelle est limpide :

  •  Le·la directeur·trice aurait « une lettre de mission » dont il-elle rend compte a posteriori. En fonction d’objectifs qu’il-elle devrait imposer aux enseignant·es ?

  •  Le·la directeur·trice déciderait seul·e du « maintien ou de passage anticipé d’un élève en fin d’année scolaire ». Quelle place pour les conseils de cycle ?

  •  Le·la directeur·trice pourraient dédouaner certain·es collègues d'APC en fonction des projets menés. Quelle place pour le Conseil des maîtres·ses dans ces décisions ?

  •  « Voix prépondérante » du directeur ou de la directrice en conseils de cycle, des maîtres·ses et d’école.

  •  Le·la directeur·trice pourrait attribuer « à un professeur de son école une mission spécifique liée à un besoin local » contre rémunération supplémentaire ! Il faut donner de la cohésion aux équipes et non mettre la directrice en position de diviser.

  •  L’avis du directeur ou de la directrice serait sollicité lors des rendez-vous de carrière des enseignant·es pour « valoriser la participation et l’implication d’un professeur dans la vie de l’école »

  •  Il·elle serait associé·e « aux opérations de mouvement pour les postes à profil de leur école » : c’est le sens des annonces présidentielles à Marseille !




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